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Il s’agit de ne pas se rendre

Un documentaire de Naïma Bouferkas et Nicolas Potin (2008,  1h07) Prix INA de la première œuvre et Prix René Vautier au Festival de l’Acharnière 2008, en présence des réalisateurs (à confirmer) au 102 rue d’Alembert à Grenoble (Prix libre).

Printemps 2006. La rue déborde : grèves, cortèges, occupations et blocages. C’est le mouvement anti-CPE. Deux mois de routine brisée. C’est peu mais ça laisse du temps pour discuter, s’organiser, se confronter. Savoir terminer une grève ? Ne pas se rendre (titre inspiré d’une phrase écrite en prison par le poète Nazim Hikmet, )

CNT38: 102 rue d’Alembert Grenoble ul38@cnt-f.org Permanences 2e et 4e mercredi du mois 18h.

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Ils sont jeunes, étudiants toulousains et ils ont décidé de résister de manière non-violente. Leur combat, abroger le CPE, et au-delà même, repenser cette société qui veut faire d’eux des travailleurs obéissants au lieu de citoyens (bien-) pensants. Les deux réalisateurs ont suivi leur mouvement, de colère qui monte, en espoir et découragements. L’histoire d’un mouvement social qui naît, vit et peut-être meurt…Sans doute, vous souvenez-vous de ces mouvements d’étudiants et de lycéens « anti-CPE », au printemps 2006. Naïma Bouferkas et Nicolas Potin, déjà auteurs d’un documentaire sur le centre d’accueil pour les réfugiés de Sangatte , y étaient. Au départ, soucieux de saisir l’instant, ils suivent et participent au mouvement, caméra à l’épaule ; montant chaque soir les rushs afin de les présenter en assemblée générale le lendemain. Et puis très vite, ils se rendent compte de la qualité de leurs images et de la possibilité d’en faire un long métrage. Ainsi naît Il S’agit de ne pas se rendre

Le propos est le mouvement « anti-CPE », mais le film va plus loin, dénonçant le mépris de nos dirigeants, et des représentants des forces de l’ordre face à ces jeunes qui veulent à tout prix éviter le conflit violent. Ainsi, d’abord, ils envahissent la préfecture dans un climat de calme et de parfaite coordination. Mais il n’est de combat sans violence, et face à l’incompréhension, voire à l’indifférence de la société, leur mouvement se durcit et leurs actions deviennent plus musclées : des vitrines sont cassées, le centre commercial est squatté, les consommateurs sont « pris en otages » (quoique l’on puisse largement discuter de ce quasi-pléonasme). Et puis il y a les arrestations de certains, pour l’exemple, la récupération des syndicats, et enfin le gouvernement qui lâche, un peu. Alors la discussion reprend de plus belle en AG, faut-il oui ou non, se rendre ? …La réponse est dans le titre.

On pourrait reprocher aux deux réalisateurs d’êtres juges et partie, certes, mais l’intelligence de leur propos réside dans le fait de donner la parole à chacun. Les manifestants, bien sûr, donnent à entendre leurs désaccords, leurs craintes, ou la prise de pouvoir de certains sur les autres ; la police aussi, par l’intermédiaire de cette fonctionnaire calme et déterminée que ses collègues ont laissée seule fasse à la foule en colère ; et puis les usagers, salariés, clients ou passants, plus ou moins solidaires, mais prêts à dialoguer. Là encore, réside la vérité du film, cette soudaine possibilité du dialogue. Il suffit qu’un mouvement social dure et se durcisse pour que la société s’interroge. Chacun a son opinion, mais il faut des circonstances comme celles-ci pour qu’elle puisse s’exprimer. Car l’arrêt de travail offre cette possibilité du temps suspendu, où la réflexion et le dialogue sont, soudain, possibles. A l’instar de cette séquence tragi-comique avec un cadre de Airbus, dans l’aube naissante d’un jour où tout serait possible.

Cependant, le film , à ne rien vouloir commenter (aucune voix off, juste quelques cartons succincts, distillés de part et d’autre), désoriente parfois le spectateur. Qui ? Où ? De quoi parle-t-on ? Mais il y a fort à parier que les réalisateurs, qui n’ont pas encore achevé la version définitive de leur film, sauront lui trouver une fin, même si le combat, lui, continue.

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